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19 - Perspectives - Espérance et horizon incertain

Peut-on comprendre notre monde et son évolution ?

 

 

Il est temps de commencer à tirer quelques conclusions sur cette série d’articles que nous avons commencés en septembre 2016.

   Il n’y aura pas de conclusions définitives, çà n’a jamais été le but de ce blog et du livre qui l’a précédé. On peut cependant se rallier à quelques grandes valeurs, qui, parmi les aléas de l’histoire, ont été facteurs de bonheur individuel et collectif. Les valeurs républicaines exprimées dans les trois principes liberté, égalité, fraternité ont prouvé leur universalité. Elles sont à rapprocher avec les deux grands principes que nous avons évoqués aux articles 12 et 14 : intelligence et amour. Ces valeurs, source de bonheur individuel et collectif ne peuvent être remises en cause.

   Mais on sait que, même au sein de la République, ces valeurs peuvent être occultées par l’égoïsme,  la recherche de privilèges de classe ou de race. « Moi d’abord » n’est pas compatible avec ces valeurs. La prétention de domination d’une culture ou d’une religion sur les autres ne peut être que rejetée.

   Dans les articles précédents, nous nous sommes attardés sur l’Islam, car dans le contexte mondial actuel, il prend une place dans tous les domaines de la politique. L’islam occupe une place importante dans la politique mondiale et nationale. Aucun responsable musulman n’est en mesure de donner des réponses satisfaisantes sur l’évolution de ses principes au sein de la civilisation occidentale. Plus que dans les autres idéologies, certains prédicateurs musulmans prétendent imposer l’hégémonie de leur religion sur toute l’humanité, avec son cortège d’obligations et de sexisme. Ce qui provoque des réactions de défense, mais aussi des zones d’incertitude pour la plupart des musulmans de tous les jours, soumis aux impératifs des prétendus imams, prédicateurs barbus et autres savants.

Les religions et leur avenir

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   Le christianisme

 

   Certes le catholicisme n'est pas la seule religion chrétienne. Le protestantisme est né précisément du besoin de réviser les acquis du catholicisme romain. Cependant, le catholicisme, avec à sa tête un pape est la principale religion chrétienne.

   À la différence de l'islam, tous les dogmes catholiques se sont élaborés après la vie et l'enseignement de celui auquel on a attribué la naissance d'une nouvelle religion, Jésus. Le message de Jésus était à la fois simple et non dogmatique. La morale enseignée par Jésus n'avait rien de contraignant, et s'opposait déjà au formalisme des pharisiens. Si le catholicisme a inventé pas mal de dogmes, conforté en cela par une théologie inspirée elle-même de l'aristotélisme, il a dû, dans les derniers siècles, réviser nombre de ses croyances, notamment en cosmologie, avec l'affaire Galilée, dont la conclusion n'est intervenue que 400 plus tard avec Jean-Paul II. Avec ce même pape, s'est introduite l'idée d'une évolution de la vie. Mais les théologiens catholiques peuvent-ils aller plus loin et remettre en cause le monogénisme, un seul homme et une seule femme à l'origine de l'humanité. Rejeter le monogénisme inscrit dans la Bible,  c'est faire s'effondrer tout un échafaudage de croyances, qui ont été bâties sur des dogmes.

   La croyance en Adam et Eve, d’origine biblique, et reprise par les trois grandes religions monothéistes, est d'autant plus difficile à maintenir qu'on sait maintenant que l'espèce homo n'est pas apparue d'un seul coup, mais dans la continuité d'une vie animale. Et qu'il y a eu plusieurs espèces d'hominidés parmi lesquels on a le choix - si on y tient - pour définir un Adam et une Eve. Les théologiens ont souvent une façon de sauver le dogme en le diluant dans un langage "symbolique" qui en lamine le contenu. Pour certains, le péché originel, c'est la figure symbolique du péché des hommes, de la révolte des hommes contre leur créateur. Des notions vagues qui ne sauvent pas les croyances.

   Dans un contexte religieux, on peut voir le péché originel comme la transgression par rapport à un être réel, divin.       Dans un contexte non religieux et contemporain, il faut voir cette transgression comme un  affranchissement par rapport à sa propre pensée occulte et ésotérique. Accéder à l'arbre de la connaissance, c'est d'abord abandonner les explications simplistes, verbales, mythiques, pour rechercher à l'intérieur de la réalité elle-même la raison de son existence. Et pas dans une réalité imaginaire. L'homme ne devient véritablement homme qu'en s'affranchissant de la divinité. Pas d'une divinité réelle qu'il tromperait ou mépriserait, mais la divinité qu'il s'est fabriquée.

   "Si le Christ n'est pas ressuscité, notre prédication est vaine", disait St Paul. St Paul formule une hypothèse qu'il s'empresse de démentir. Mais l'hypothèse a été posée, et elle peut engendrer un doute . La croyance en la résurrection, celle de Jésus et celle des hommes, est cependant un élément clé de la foi chrétienne.

   Pour d'autres croyances ou dogmes, comme la Trinité, la transsubstantiation, la conception virginale de Jésus, la montée de Marie au ciel après sa mort, l'Infaillibilité pontificale,  peu de gens se préoccupent d'en contester la validité, parce que ça n'intéresse plus personne. Et d'ailleurs, le pape actuel semble plus s'intéresser aux conséquences actuelles de la doctrine initiale de Jésus, une doctrine d'amour et de partage, plutôt que de discussions théologiques stériles issues des vieux décrets dogmatiques élaborés par quelques conciles ou quelques pontifes. 

   Dégagé de toutes les constructions, inventions, dogmes, accumulés au cours de son histoire, le christianisme reste, dans ses fondements, une valeur universelle : appel à la tolérance, à l'empathie, à la générosité, au pardon, au don de soi.

L'islam

 

   Il n'en va pas de même pour l'islam. Le Docteur Dalil Boubakeur, Imam de la mosquée de Paris, a écrit un petit livre: "l'Islam tolérant". Un effort louable. Sa lecture ne m'a pas convaincu. Si l'on peut trouver dans le Coran des appels à la tolérance, au pardon, il faut pratiquer un singulier effort d'oubli pour le reste.

   "Permettez-moi de vous dire que votre diagnostic sur les événements d’hier à Paris (attentats Charlie Hebdo)  ne saurait convaincre que les idiots et les hypocrites...  Ce qui est arrivé à Paris est entièrement conforme à l’enseignement de l’Islam tel qu’il ressort du Coran, de la Sunna de Mahomet et de tous les ouvrages reconnus de droit musulman. Est-il nécessaire de vous rappeler comment Mahomet s’est vengé de ceux qui l’ont critiqué? Ne savez-vous pas ce que Mahomet a fait à Um Qarfa?  Ne savez-vous pas comment le Coran stigmatise les poètes dans le chapitre qui leur est consacré et qui porte le titre «Les poètes»?  Jamais Mahomet n’a admis la moindre critique à son égard; il n’acceptait que ceux qui chantaient ses louanges, comme le font les rois et les chefs des pays arabes et musulmans aujourd’hui.

   ...Ils (les terroristes) se considéraient comme les exécutants de la loi islamique contre ceux qui critiquent Mahomet. Et ce qu’ils ont fait est conforme aux dispositions de la loi islamique."

   La création de l'Etat Islamique a au moins un avantage: mettre en relief les fondements et les principes même de l'islam. Et il n'y a malheureusement pas beaucoup de musulmans pour réaliser une critique historique de leur religion.    Ceux qui s'y sont essayé l'ont payé de leur vie, la plupart du temps.( Mahmoud Mohamed Taha, en Egypte).            D'autres, actuellement sont menacés de mort (Mohammed Chirani, Kamel Daoud, Abdennour Bidar...)

   J'ai déjà souligné la difficulté qu'il y a à avoir une idée claire de la théologie islamique. En gros, pour ses croyances fondamentales, elle se calque sur la théologie juive, reprend les mêmes interdits moraux, et s'inspire des mêmes livres fondamentaux. Mais Mahomet est le dernier prophète, et après lui, "on peut tirer l'échelle". Dieu a définitivement cessé de faire des révélations et d'envoyer de nouveaux prophètes comme autrefois Moïse, Elisée, Zacharie. Contrairement au catholicisme, l'islam n'a pas inventé des dogmes au cours de son histoire. Tout est dans le Coran, écrit par Mahomet sous la dictée de Dieu, et dans la Sunna, catalogue des faits et des récits liés au prophète, et fruits d'une sélection opérée dans la tradition (entre 810 et 870 par Muhammad ibn Ismail Al-Boukhari). Et les croyances initiales de l'islam ne sont - pour la plupart des autorités - pas révisables en fonction des acquis de la science ou de la société. Au mieux, on cherche à faire du concordisme en cherchant dans les textes initiaux (Coran et Sunna) des éléments qui préfigureraient les acquis actuels. Le champion du concordisme est sans doute Harun Yahya qui en fouillant dans le texte fossilisé du Coran y trouve des éléments actualisables que Dieu aurait révélés au prophète

   Ce qui ne semble pas remis en cause dans la pensée islamique, c'est la morale du permis et du défendu. La charia, masse assez confuse de préceptes et d'obligations prétend gérer la totalité de la vie individuelle, sociale, familiale, citoyenne de tout musulman. Et il n'est pas question de réviser la charia en fonction des acquis de la vie moderne. Si telle prescription ne semble plus d'actualité - l'interdiction de certains aliments par exemple - il n'y a rien à redire, puisque c'est Dieu lui-même qui l'a édictée, lui qui connaît mieux que personne où se situe le bien de l'homme.

   La charia, aussi imprécise et confuse qu'elle soit, emprisonne l'esprit du croyant dans un véritable carcan. Une prison morale qui l'empêche d'avoir un jugement sain et souvent banal, sur ses propres actes. Mais c'est aussi une prison intellectuelle qui lui fait admettre des absurdités telles que les 70 vierges que le vaillant combattant et martyr pourra baiser au paradis, ou encore la transformation en singe de ceux qui écoutent de la musique. Apparemment, cette charia n'a pas de limites dans son extension. Elle s'élabore au cours du temps, et encore maintenant, en fonction de l'imagination débridée et du pouvoir que certains, qu'on appellera plus tard "savants", ont sur l'esprit de leurs contemporains.

   Face à un islam intolérant et meurtrier, il n'y a guère d'autre solution que de le combattre. La cohabitation est en revanche possible avec un islam tolérant, respectueux des valeurs humanistes.

Aucune religion n’apporte une réponse au sens de l’évolution de notre monde.

 

   Les plus intolérantes sont meurtrières, les plus tolérantes, comme le christianisme actuel modèrent leurs ambitions hégémoniques. Toute religion ou tout système de pensée qui prétend avoir l’exclusivité de la vérité est a priori rejetable. Ce que nous apprend la connaissance de  l’évolution, puis l’histoire des civilisations, c’est que la vie, née il y a environ – 4 milliards d’années, et dont l’homme est – actuellement – la partie la plus évoluée, est chaotique. Rien n’est jamais définitivement acquis. Aucune force surnaturelle n’en dirige le cours. Et lorsque quelque idéologie prétend le contraire, elle est battue en brèche par l’histoire elle-même. Après la guerre de 14, on disait « plus jamais çà ». Et on a fait pire quelques trente ans plus tard. Le président Obama est probablement un des meilleurs que l’Amérique aie jamais eu. On a maintenant Trump. Les élections présidentielles en France nous réservent peut-être des surprises, par une plongée dans l’égoïsme national que certains appellent « patriotisme ».

La solitude de l'Homme

 

   "S'il est vrai que le besoin d'une explication entière est inné, que son absence est source de profonde angoisse; si la seule forme d'explication qui sache apaiser l'angoisse est celle d'une histoire totale qui révèle la signification de l'Homme, en lui assignant dans les plans de la nature une place nécessaire; si pour paraître vraie, signifiante, apaisante, l'"explication" doit se fondre dans la longue tradition animiste, on comprend alors pourquoi il fallut tant de millénaires pour que paraisse dans le royaume des idées celle de la connaissance objective comme seule source de vérité authentique".[1]

   "S'il accepte ce message dans son entière signification, il faut bien que l'Homme se réveille de son rêve millénaire pour découvrir sa totale solitude, son étrangeté radicale. Il sait maintenant que, comme un Tsigane, il est en marge de l'univers où il doit vivre. Univers sourd à sa musique, indifférent à ses espoirs comme à ses souffrances ou à ses crimes"[2]

Un autre regard de l'Homme sur un monde dont il fait partie.

 

   Plutôt que de tourner son regard vers un ciel rempli de ses illusions, mais vide de réalité, l'Homme va porter son attention sur ses semblables, mais aussi sur ses presque semblables que sont les animaux, la nature, jusqu'alors ignorés, méprisés ou exploités. Contrairement à ce que dit Jacques Monod, il ne doit plus se sentir "en marge de l'univers". Il en fait partie. Et le seul sens que puisse avoir cet univers, c'est celui que sa conscience peut lui donner, dans les limites que lui impose le hasard des événements. Car il sait que ces événements, bons ou mauvais, ne dépendent pas d'une divinité muette. Il lui faut composer avec une nature aveugle qu'aucune incantation, aucune prière, n'est en mesure de modifier.

Vers une recherche collective du sens de la vie   ?

   Le sens donné au monde par les hommes est divers selon les croyances et les cultures. Divers et opposé, selon les intérêts de chaque individu et de chaque groupe. On peut cependant observer un effort pour unifier et coordonner les intérêts dans différentes institutions internationales, ONU, UNICEF... Plusieurs textes à vocation internationale ont été établis pour unifier la conception que l'on a de l'humanité. d'abord, bien sûr, la "Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen", née de la Révolution Française, en 1789, et qui a inspiré plusieurs pays. Et, après la Deuxième Guerre mondiale, le 10 décembre 1948, 58 États Membres qui constituaient alors l’Assemblée générale ont adopté la Déclaration universelle des droits de l’homme à Paris au Palais de Chaillot. Mais une déclaration est une chose, ses applications sont autre chose. Depuis 1948, bien des crimes, bien des injustices, ont été commis, à tel point que l'efficacité des grandes institutions internationales reste douteuse.

   Les Droits de l’homme ne peuvent être soumis à une religion et à ses impératifs.

Du côté chrétien et catholique, et à part quelques tendances ultra, il n’y a pas d’ambiguïté. Du côté musulman, l’ambigüité subsiste, quand on veut faire dépendre ces droits de la charia. (Voir notre article 16- Islam, origines et actualités)

   Et pourtant, l'idée de laïcité fait son chemin dans une partie des intellectuels musulmans. Il y a tant de choses contradictoires dans le Coran et la Sunna que certains arrivent à en extraire des idées qui lui seraient conformes. Difficile exercice qui suppose l'oubli des tendances fondamentalement hégémoniques et dictatoriales de l'islam.[3]

Fuir le dogmatisme

   La religion n'est pas seule concernée par le dogmatisme. Le dogmatisme religieux fait appel à l'autorité ultime, celle du Dieu que l'on a fabriqué et qui ne contestera jamais l'autorité qu'on lui attribue. La punition - généralement dans l'autre monde - sanctionnera celui qui n'obéit pas aux préceptes qualifiés de divins. Parfois, même, lorsque l'occasion s'y prête, on attribuera à Dieu  une catastrophe naturelle censée sanctionner la désobéissance. Puisque Dieu est tout-puissant, les catastrophes naturelles ne peuvent lui échapper. Plusieurs instances religieuses islamiques ou chrétiennes se posent la question, soit pour affirmer la punition divine - si on a la conception d'un Dieu tyrannique - soit pour le dédouaner - si on a la conception d'un Dieu bon.

   Mais le dogmatisme est le moteur principal des sectes et des croyances ésotériques. Il peut très bien s'imposer sans faire référence à une divinité ou à un esprit supérieur. Le gourou ou le coach tente de persuader ses victimes par sa propre autorité, et en avançant des arguments faussement rationnels. Les coachs du bonheur pullulent sur le net, et chacun invoque ses méthodes à coloration plus ou moins scientifique. Les médecines "alternatives" sont basées plus sur la croyance que sur les résultats certains. Difficile de faire le tri entre des pratiques empiriques donnant parfois des résultats et les pratiques de fabulateurs dont le langage pseudo-scientifique a remplacé le latin du Diafoirus de Molière..   Assez récemment, la physique quantique - que personne ne comprend - viendra appuyer des affirmations sur la transmission de pensée ou sur la guérison.

   La religion s'appuie à la fois sur la croyance en une autorité divine, capable de punir si on n'observe pas ses prescriptions - et sur une promesse, celle d'une vie éternelle de bien-être pour ceux qui obéissent à ses exigences.       Selon les époques et les doctrines les autorités de la religion peuvent anticiper la punition divine, en pratiquant le bucher, la crucifixion, la mutilation, la torture comme avant-goût de l'enfer. L'ésotérisme, lui,  ne s'appuie que sur des promesses : de guérison, de fortune, d'affection partagée.

 

Citations du texte

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[1] Jacques Monod - Le hasard et la nécessité - page 213

[2] idem - page 216

​[3] http://oumma.com/222619/de-laicite-l-islam

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Le 23  février  2017

 Dans une lettre ouverte, Sami Aldeeb, chrétien d'origine palestinienne, invite Boubakeur et les musulmans à revoir les enseignements originaux de l'islam.

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