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5 - Les principes de l'évolutionnisme

     L'histoire de la vie

Le but de ce chapitre et des suivants n’est pas de fournir un cours de biologie détaillé, mais de montrer le rôle du hasard dans le fonctionnement et la reproduction du vivant.

1 - Constat : L’histoire de la vie est une histoire chaotique.

 

En examinant le vivant, on ne voit - sous réserve d'inventaire plus précis - que des espèces parfaitement adaptées à leur milieu naturel. Elles semblent développer des trésors d'ingéniosité, être le fruit d'un projet supérieur. En réalité, ce qu'on voit, ce sont les solutions retenues par la sélection naturelle. Toutes les solutions éliminées ne sont pas présentes, et ne sont soupçonnées que dans les quelques découvertes paléontologiques partielles que l'on finit par accumuler. Ce sont des milliers d'espèces qui ont disparu, et parmi les plus connues, les dinosaures. Ce sont aussi des millions voire des milliards de milliards d'individus qui, au sein d'une même espèce, ont été éliminés et n'ont pas pu se reproduire, parce que leurs gènes en différant des gènes les plus courants de leur espèce, les ont rendus incapables de s'adapter à leur milieu, ou ont entraîné des maladies mortelles. Dans la vie humaine actuelle, on expérimente chaque jour cette sélection impitoyable, même si les progrès de la biologie nous permettent de prévenir beaucoup mieux ces cas malheureux, et en partie de les soustraire à la sélection naturelle.

Les microencéphalites observées récemment par la dissémination du virus zika pourraient-elles s'intégrer dans une finalité du vivant ? Ou bien, le moustique porteur du virus Zica est-il le simple véhicule du hasard qui frappe une femme enceinte ?

L'histoire de la vie n'est pas celle d'un long fleuve tranquille, canalisé et dirigé par une intelligence supérieure. Les éléments que l'on connaît de cette histoire évoqueraient plutôt une rivière, qui, au hasard d'un relief tourmenté et chaotique, descendrait en se fractionnant en multiples filaments. Certains de ces filaments disparaitraient à jamais dans des trous profonds. D'autres grossiraient pour une existence au moins temporaire. D'autres encore rejoindraient certains filaments pour n'en faire qu'un. Cette image, bien sûr, n'est qu'une image imparfaite et incomplète comme toute image. En tout cas, l'histoire de la vie n'évoque pas du tout  une ligne continue qui serait le résultat d'un projet. Pas non plus la spirale ascendante vers le point oméga de Teilhard de Chardin

Deux yeux, quatre membres, une tête plus ou moins bien faite, une tendance à aimer ou à agresser. Toute la base de ce que nous sommes est le produit d’une évolution qui a traversé des périodes chaotiques. Et il arrive fréquemment que, de génération en génération, après le long façonnement du vivant,  la génération humaine produise des monstres. Pas seulement des monstres physiques – ce ne sont pas les plus à déplorer – mais des monstres mentaux, qui sont un véritable danger pour le reste du monde. Et ce qu'on observe chez les humains est identique, sous des formes diverses, dans tout être vivant.

Après l'explosion primitive de la vie, on assiste à une extinction massive, il y a 225 millions d'années (Permien). Plus de la moitié des invertébrés marins disparaissent, en quelques millions d'années. C'est la période où plusieurs continents se rejoignent, modifiant les côtes et les eaux littorales. Le rapprochement de faunes et de flores autrefois séparées crée des relations de concurrence. Certaines formes de vie en éliminent d'autres. Le climat du nouveau continent se modifie. En s'étendant, la surface du continent entraîne une modification du climat.

Il y a 65 millions d'années (fin du Crétacé) se produit une grande catastrophe qui fait disparaître tous les dinosaures, tous les reptiles marins géants, tous les reptiles volants, plusieurs groupes de coquillages, et un quart des invertébrés marins qui avaient échappé à la catastrophe du Permien. Les raisons supposées: la chute d'un astéroïde d'une dizaine de kilomètres de diamètre, soulevant des milliards de tonnes de poussières et de débris divers. Et peut-être aussi des éruptions volcaniques provoquant des effets analogues, et privant les plantes d'énergie lumineuse.

On estime que hors crise bio géologique, une espèce s'éteint en 5 à 10 millions d'années. Seulement un millième des espèces ayant existé est actuellement présent.

Selon des experts, plus de la moitié des espèces actuelles pourrait disparaître d'ici 2100. Depuis l'apparition de l'homme, il y a environ 100.000 ans, la disparition des espèces s'est accrue de façon exponentielle. Et ce n'est peut-être qu'un début, si rien n'est fait pour freiner les causes anthropiques : pollution, surexploitation des ressources naturelles,  destruction des habitats (brulage de forêts). Causes auxquelles s'ajoute le dérèglement climatique dû à la pollution et à la modification de l'atmosphère provoquant une augmentation dangereuse de  l'effet de serre naturel.

Difficile de voir une finalité dans cette histoire chaotique de la vie.

2 – La vie tout entière est soumise à la sélection naturelle

 

Deux facteurs, tous deux soumis à des variations,  interagissent dans la progression du vivant :

  • L’environnement du vivant

  • Ses capacités de reproduction

 

En fonction de ces deux facteurs, le vivant – sous toutes ses formes - est soumis à la sélection naturelle, qui l’élimine ou le maintient.

« J'ai donné à ce principe, en vertu duquel une variation si insignifiante qu'elle soit se conserve et se perpétue, si elle est utile, le nom de sélection naturelle" [1]

Chaque être vivant vit dans un environnement particulier que l’on peut caractériser (pour les vivants les plus élaborés) par de nombreux paramètres : climat, environnement végétal et animal, prédateurs, etc. Cet environnement est susceptible de changer par l’action de phénomènes naturels tels que variations climatiques, invasions de prédateurs, inondations.

La survie de chaque être vivant dépend des variations de l’environnement, variations qui peuvent entraîner la mort d’un individu, mais aussi la mort d’une espèce, si celle-ci ne se trouve plus adaptée à son environnement. Le cas le plus connu est celui des dinosaures, si bien adaptés à leur environnement qu’ils ont dominé le vivant pendant environ 175 millions d’années. Un brusque changement de leur environnement les a rendus définitivement inadaptés.

(Istanbul est situé à quelques kilomètres de la jonction entre deux plaques tectoniques. Les autorités se disent préparées à faire face à un tremblement de terre majeur, que les sismologues annoncent d’ici à vingt ans. Des milliers de personnes pourraient être tuées dans un environnement urbain non préparé.)

Mais la survie de chaque être vivant dépend de ses propres capacités d’adaptation à l’environnement. Dans un environnement relativement stable, chaque individu et chaque espèce ne jouit pas des mêmes chances de survie. Chacun constate que tous les individus, à la naissance, n’ont pas les mêmes capacités de survie. D’un individu à l’autre, dans une même famille animale ou végétale, les variations sont multiples. Par quel mécanisme se produisent ces variations, Darwin n’a pas abordé cette question, et peut-être n’était-ce pas son souci. Il faudra attendre la découverte de l’œuvre de Mendel, qui introduit la génétique,  pour commencer à comprendre.

 

 

Le moteur de la sélection naturelle

 

Certains individus naissent avec des capacités inférieures à celles d’autres individus (force musculaire, vitesse de déplacement, intelligence, résistance aux maladies, etc). Ils seront éliminés plus rapidement que les autres, et ne se reproduiront pas. La sélection naturelle favorise les formes les mieux adaptées.

Dans un troupeau de gazelles, les plus faibles seront dévorées par les lions, qui jouent alors le rôle de sélecteur pour ce troupeau. En éliminant les animaux les plus chétifs, ils favorisent la progression génétique du troupeau. Cette  loi, que l’on observe chez les animaux de la savane, elle s’applique à tout le vivant.

3 - La sélection naturelle a un coût énorme.

 

Au printemps, chacun peut expérimenter, souvent à ses dépens, la profusion des pollens, en quête d'un pistil de fleur sur lequel pourra se faire la germination. Mais l'énorme quantité de pollens divers disséminés dans l'air trouvera plus facilement un nez humain que le pistil femelle de la fleur qui lui correspond. Le taux de germination dépend, bien sûr, des conditions très variables du terrain où se répand le pollen, et de la densité des fleurs. 

La graine, elle, est déjà un embryon végétal, provenant de la transformation d'un ovule fécondé. Pour croitre, elle doit trouver un terrain favorable. Le vent est le mode de dissémination le plus utilisé pour la dispersion  des graines. La distribution des graines est aléatoire, ce qui nécessite une grosse production de graines.  Certaines graines sont équipées de systèmes leur permettant une meilleure distribution par le vent. Sur la quantité émise par le végétal, seule une infime quantité parviendra à croître.

On pourrait faire des remarques analogues sur la reproduction des poissons, des batraciens ou des tortues. Pour un animal parvenu à maturité, que de gaspillage dans les phases antérieures de la reproduction. Et ce gaspillage continue après l’apparition d’une nouvelle génération de vivants. Ainsi, après éclosion des tortues de mer, c’est la course vers l’océan. Seules une tortue sur mille parviendra à survivre. À des degrés divers, tout accès et maintient de la vie se paie par un gaspillage des moyens utilisés. Le vivant n'est que le résultat de nombreux phénomènes aléatoires  et donc non garantis. Et on verra dans un prochain artricle que la génération humaine n'échappe pas à ce "gaspillage",..

4 - Le rôle du hasard

 

Les graines qui tombent sur une terre infertile meurent. Aucune intelligence, aucune puissance n’a choisi d’envoyer telle ou telle graine sur telle ou telle partie du terrain. C’est le vent qui, au hasard, a dispersé les graines.

La sélection naturelle peut jouer dans les deux sens : Elle favorise une population en éliminant les éléments les plus faibles. Mais, une variation drastique de l’environnement  peut aussi éliminer toute une population en favorisant l’émergence d’éléments nouveaux

C’est ce qui se passe lorsqu’on utilise des insecticides ou des pesticides. L’effet destructeur est rapide et anéantit la majorité d’une population d’insectes. Mais les insectes ont pour eux l’avantage du très grand nombre, et il se trouve presque toujours parmi eux quelques individus qui ont la capacité de résister au poison. Ceux là pourront se reproduire et générer une nouvelle population, rendant ainsi le poison inefficace.

C’est le même phénomène qui rend des bactéries résistantes aux antibiotiques. Parmi les milliards de bactéries, il s’en trouve quelques unes génétiquement résistantes aux antibiotiques. Elles vont développer une nouvelle population qui prendra la place de la population disparue.

Sur une autre échelle du vivant, c’est aussi ce qui s’est passé pour la disparition des dinosaures. La population a été décimée par une brusque variation de l’environnement, laissant la place à une nouvelle population animale et végétale, ayant des caractéristiques nouvelles (nous en parlerons lorsque nous tracerons l’histoire de l’évolution).

5 - Le hasard et la génétique

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Une variation dans la reproduction du vivant, si infime qu'elle soit, si elle est favorable à l'individu, facilite sa survie. Et il sera donc plus à même de se reproduire, en transmettant cette variation à sa descendance. Inversement certaines variations ne sont pas favorables à l’individu, et peuvent entraîner sa mort ou son incapacité à se reproduire. Ce mécanisme explique l'évolution des espèces.

Pour Darwin, l'évolution des espèces (aussi bien végétales qu'animales. Darwin a beaucoup étudié les végétaux) s'explique par la variation au sein des espèces et par la sélection, en fonction des conditions de l'environnement. Les variations apparaissent par hasard chez l'individu, et se conservent chez ses descendants si elles sont favorables à son existence. Les variations de l'environnement et du climat influencent  la survie des espèces.

Darwin ne connaissait pas le mécanisme biologique qui introduit les variations au sein de l'espèce. Le développement  de la génétique, issu des découvertes géniales de Mendel, apporte à l'évolutionnisme plus qu'un complément. C'est une véritable validation de sa théorie que lui fournit la génétique.

Pour Monod, le système génétique n'est pas le moteur de l'évolution, il n'est que "le conservatoire du hasard".

"Pour la théorie moderne, l'évolution n'est nullement une propriété des êtres vivants, puisqu'elle a sa racine dans les imperfections mêmes du mécanisme conservateur qui, lui, constitue bien leur unique privilège. Il faut donc dire que la même source de perturbations, de "bruit" qui, dans un système non vivant, c'est-à-dire non réplicatif, abolirait peu à peu toute structure, est à l'origine de l'évolution dans la biosphère, et rend compte de sa totale liberté créatrice, grâce à ce conservatoire du hasard, sourd au bruit autant qu'à la musique : la structure réplicative de l'ADN"[1]

 

Le système génétique est paradoxal : En première analyse, il semble contenir une certaine finalité, puisque il permet la reproduction à l’identique du vivant qu’il génère. Comme dit le proverbe, « les chats ne font pas des chiens ». Mais la reproduction n’est jamais identique au porteur qui la génère. Au cours du mécanisme de reproduction se produisent des « erreurs », complètement aléatoires, qui ne sont pas contenues dans le programme initial. Ce sont – paradoxalement – ces « erreurs », et donc le hasard, qui sont les véritables moteurs de l’évolution. Car certaines des modifications sont favorable à la survie de l’individu, et sont donc conservées, tandis que d’autres sont défavorables et sont éliminées par la sélection naturelle.. Les « erreurs » sont alors intégrées dans le système génétique comme une constante reproductible. Ce ne sont plus des erreurs.

C’est l’imperfection du système réplicatif du génome, qui, paradoxalement, est un facteur de son progrès.

Rappelons qu’aucun vivant, même apparemment bien adapté, n’est à l’abri d’un changement de l’environnement dû … au hasard ou à l’action humaine.

Le hasard joue de façon considérable dans la fabrication du système immunitaire. Les anticorps, ces armes produites par le corps pour se défendre des agents infectieux qui envahissent l'organisme, se fabriquent à partir de cellules spéciales, les lymphocytes. Les "microbes" (antigènes)  susceptibles de mettre en danger l'organisme sont innombrables. Chaque anticorps fabriqué par les lymphocytes a pour fonction de s'attaquer spécifiquement à chaque type de microbe. Mais il est impossible de prévenir toutes les infections. Et pourtant, bien qu'imparfait, le système immunitaire a des capacités considérables. Car la reproduction des lymphocytes, plus que pour n'importe quelles autres cellules, s'accomplit avec un taux d'"erreurs" important. La réplication de l'ADN de ces cellules introduit des mutations aléatoires en  très grand nombre, produisant une multiplicité de types d'anticorps en quantité telle qu'il s'en trouve toujours un pour s'adapter à un nouvel agresseur.

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Ce sont les systèmes biologiques les plus capables de générer du hasard qui perdurent.

 

6 - L’ADN, en bref.

 

(Pour un exposé plus complet, on se reportera aux nombreux articles publiés dans les livres de biologie, ou sur internet. Ici un exposé détaillé n’est pas nécessaire à notre propos).

 

Tout le système de reproduction du vivant est contenu dans l’ADN (Acide DésoxyriboNucléique). La molécule d’ADN  a une structure en forme d’hélice composée de deux chaines de nucléotides (pour mémoire : adénine, thymine, cytosine, guanine).

  L’ADN contient toute l’information génétique qui permettra la reproduction. Il est contenu dans le noyau de la cellule (pour les cellules à noyau, appelées cellules eucaryotes).

Les chromosomes sont des éléments microscopiques constitués de deux molécules d’ADN identiques.

Un gène est un élément d’un chromosome.

Dans chaque cellule, le noyau contient une « bibliothèque » composée de livres, les chromosomes. Et chaque « livre » contient des « pages », les gènes.

Chaque gène prédétermine un trait particulier de l’organisme qui sera reproduit. C’est ainsi que pour les humains, certains gènes déterminent la couleur des yeux, d’autres la taille,  etc. Un gène contient toute l’information nécessaire à la synthèse des protéines. Les protéines peuvent assurer des fonctions très diverses au sein de la cellule ou de l'organisme.

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(Nous verrons plus en détail dans un article ultérieur, le mécanisme de la reproduction humaine pour en repérer les  aspects aléatoires.)

Citations du texte

[1]  Darwin - Origine des espèces, chapitre 3

[2] Jacques Monod  (prix Nobel de médecine en 1965) - Le hasard et la nécessité - page 152

Le 27   octobre 2016

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