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4 - évolutionnisme - 1ère partie

Préambule

 

En abordant le chapitre de l’évolutionnisme, et avant d’en énoncer et d’en décrire les principes, il n’est pas inintéressant de revenir un peu sur le thème de l’intervention précédente. Car la théorie de l’évolution des espèces, énoncée par Darwin, procède avant tout d’une démarche scientifique, basée sur l’observation des principales manifestations de la vie, et impliquant des rapprochements entre diverses données telles que les découvertes paléontologiques (étude des ossements d’individus et d’espèces disparus), découvertes biologiques de l’ADN. La théorie de l’évolutionnisme, ne prend en compte, dans sa formulation, que les données fournies par l’observation, et laisse de côté toute affirmation a priori fournie par une forme de croyance ou une autre. A la théorie de l’évolutionnisme s’oppose le créationnisme, qui veut expliquer la vie, son apparition et – pour certains - son évolution, par l’intervention d’une puissance externe au vivant lui-même, une puissance divine. Toutes les religions, à des degrés divers, ont sur ce sujet, une explication basée sur une révélation.

 

Si la connaissance scientifique est limitée, le champ de sa recherche est sans limites. Il arrive alors que la connaissance déborde sur la croyance et la rend  obsolète. C’est le cas de phénomènes naturels comme l’orage. C’est le cas aussi des maladies dont n'on attribue plus la responsabilité à quelque divinité ou démons. Au moyen-âge, des épidémies de peste décimèrent des populations. Les processions religieuses voulaient prévenir la maladie. On massacre des juifs auxquels ont  attribue la responsabilité de la maladie. La progression de la connaissance biologique, surtout depuis les découvertes de Pasteur, rendent caduques les interprétations religieuses ou ésotériques. Les antibiotiques (dont on modère l’usage aujourd’hui) sont plus efficaces que le prière ou l’eau bénite.

Toutes les contestations de l’évolutionnisme présupposent une croyance posée a priori et incontestable. Certains, surtout en milieu islamique et sans connaissance particulière, s’aventurent dans une contestation des bases et des expériences de la théorie évolutionniste, pour affirmer leurs croyances. Alors que cette théorie, particulièrement depuis 3 ou 4 décennies trouve sa confirmation dans de nombreux secteurs de la recherche. Les scientifiques n’ont pas à réfuter des croyances, ce n’est pas leur but. C’est ce que Bertrand Russel (philosophe et moraliste) a voulu dire par sa métaphore de la théière. 

"Beaucoup de croyants orthodoxes parlent comme s'il incombait aux sceptiques de réfuter les dogmes communément admis plutôt qu'aux dogmatiques de les prouver. C'est, bien sûr, une erreur. Si je devais suggérer qu'entre la Terre et Mars il y a une théière de porcelaine qui gravite autour du soleil en orbite elliptique, personne ne serait en mesure de réfuter mon affirmation à partir du moment où j'ai pris soin d'ajouter que la théière est trop petite pour être révélée même par nos télescopes les plus puissants. Mais si je devais poursuivre en disant  que cette affirmation étant impossible à réfuter, c'est une prétention intolérable que d'en douter, on penserait que ce que je dis est absurde. Si, toutefois, l'existence d'une telle théière était confirmée dans des livres anciens, enseignée comme la vérité sacrée tous les dimanches, et instillée dans l'esprit des enfants à l' école, toute hésitation à croire en son existence deviendrait une marque d'excentricité et attirerait sur son auteur  l'attention des psychiatres en cet âge éclairé,  ou de l'Inquisition  en des temps anciens".[1]

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Peu de créationnistes, actuellement, réfuteraient l’explication scientifique de l’orage pour la remplacer par une ancienne explication basée sur une intervention divine. A l'explication purement physique du phénomène de l'éclair, il n'est pas nécessaire de supertposer une explication métaphysique ou religieuse.  Alors pourquoi rejeter une tentative d’explication purement scientifique sur l’évolution des espèces. 

Toutes les croyances sont, respectables, mais aucune ne peut être un argument à opposer aux théories issues de la recherche et de l’expérience, même si ces théories sont incomplètes. Ce sont deux domaines différents de la pensée. L’une affirme au nom d’arguments a priori. fournis par des prophètes, des gourous, des voyants, voire des théologiens. L’autre fait des suppositions que viennent confirmer – ou infirmer - les observations et les expériences.

Une certitude qui n’a pas été installée par la raison, ne peut être contestée par la raison. C’est pourquoi le créationnisme n’est pas réfuté, il est oublié par ceux qui poursuivent leurs investigations dans la recherche.

Mais, revenons à notre sujet.

 

Jusqu’au 18ème siècle, on pensait que les espèces vivantes que nous connaissons n’avaient pratiquement pas bougé depuis la création. C’est ce qu’on appelle le fixisme. De grands esprits et de grands savants partageaient cette idée. Ainsi, Cuvier (1769-1832), l’un des pères de l’anatomie comparée, s’oppose violemment au transformisme de Lamarck (1744-1829). Cette période est très fertile en recherche et compte de nombreux scientifiques. Ainsi, Étienne Geoffroy Saint-Hilaire qui en compagnie de plusieurs scientifiques de talent, participa à la campagne d’Egypte de Bonaparte, et  en rapporta des animaux momifiés. Il fait lui aussi de l’anatomie comparée, et ses recherches le poussent vers les thèses transformistes de Lamarck. Buffon  (1707-1788), dans ses recherches sur les animaux, évoque une idée de transformisme qui le rapproche de Lamarck.

Jean-Baptiste Lamarck (1744-1829) est un naturaliste français, qui, parmi les premiers suggéra que les individus, dans une espèce donnée, s'adaptent à leur milieu, et transmettent les adaptations à leur descendance.  L'exemple connu est celui de la girafe.  Confrontée à des conditions de nourriture difficile, la girafe étend son cou, allonge ses pattes pour atteindre les feuilles des arbres. Et elle transmet à sa descendance les modifications acquises (transmission des caractères acquis)

"Les efforts dans un sens quelconque, longtemps soutenus ou habituellement faits par certaines parties d'un corps vivant, pour satisfaire des besoins exigés par la nature ou par les circonstances, étendent ces parties, et leur font acquérir des dimensions et une forme qu'elles n'eussent jamais obtenues, si ces efforts ne fussent point devenus l'action habituelle des animaux qui les ont exercés" [2] 

Lamarck se fait descendre en flèche par plusieurs scientifiques. Cuvier ne le ménage pas et à sa mort, il est chargé de faire son éloge funèbre. Un éloge dans lequel Cuvier tourne en ridicule les idées transformistes.

 

Darwin (1809-1882). La thèse principale de Darwin est celle-ci : Les changements ne surviennent pas du vivant des individus (comme le supposait Lamarck), mais au cours de la génération de leurs successeurs.

C'est incontestablement Darwin le père de l'évolutionnisme, bien qu'il ait eu quelques collègues partageant ses intuitions  (Wallace), et qu'il ait méprisé un peu rapidement Lamarck, dont les idées sur l'évolution préfiguraient ses propres idées. La théorie qu'il a émise est vraiment géniale, et bouleverse définitivement notre connaissance du vivant. Darwin n'est pas un philosophe en chambre. Il effectue des recherches en botanique, zoologie, géologie. À bord du bateau Beagle (1831-1836), il participe à une expédition qui le fait passer de l'Amérique du Sud à l'Australie, puis l'Afrique du Sud. Il recueille de nombreux fossiles. Ses multiples observations lui permettent d'écrire un ouvrage qui a  un retentissement énorme dans le monde de la science : "L'origine des espèces" (1859). Les îles Galapagos, dans l'Equateur, ont constitué pour Darwin un laboratoire d'observation exceptionnel par la richesse de sa flore et de sa faune. Et ces observations lui ont permis de  dégager les principes de la sélection naturelle des espèces et de la reproduction,  Tous les individus d'une même espèce diffèrent au moins légèrement. Et tous ne se reproduisent pas. Seuls ceux qui sont les mieux adaptés à leur environnement constitueront la génération suivante. On devine là le mécanisme de l'hérédité, que Darwin ne connaît pas encore, mais dont il perçoit la réalité.

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L’évolutionnisme de Darwin s’oppose – en première approche – au transformisme de Lamarck. Le savant britannique aurait quelque peu méprisé le savant français. Et sa théorie a fait passer au second plan les idées de Lamarck. Pourtant, on s’aperçoit maintenant que Lamarck avait des intuitions dont on retrouve l’application dans ce qu’on appelle le néo-darwinisme (Et qu’on exposera plus loin).

Autre intervenant dans l’histoire de la vie, Mendel, (1822 – 1884) moine catholique au monastère Saint-Thomas de Brno (en Moravie) et botaniste germanophone. Tout le monde a appris au lycée qu’il cultivait des petits pois, et que ses observations sont à l’origine des principes de l’hérédité biologique. Darwin a-t-il eu connaissance des travaux de Mendel ? On ne les sait pas. Et apparemment l’aspect mathématique de ces travaux n’entrait pas dans ses préoccupations. La postérité scientifique de Mendel n’apparaîtra qu’au début du XXème siècle.

Pour être bref, on peut dire que Lamarck, Darwin, Mendel, tous trois contemporains et au début séparés dans leurs théories,  sont les trois personnages les plus importants conduisant à une vue synthétique de l’évolution des espèces. On verra, en particulier, que les intuitions de Lamarck, non seulement ne contredisent pas le darwinisme, mais, depuis quelques années, complètent cette théorie en donnant naissance à un nouveau secteur de la biologie: l'"épigénétique".

Ce sera l’objet de notre prochain article.

L’évolutionnisme darwinien est-il universellement admis ?

 

Dans les milieux scientifiques, à part quelques rares personnalités, la théorie de l’évolution des espèces est aujourd’hui admise, par tous. Personne n’est fixiste.  (Nous aurons l’occasion de revenir sur certaines interprétations créationnistes de l’évolution)

Dans les milieux religieux, l’évolution des espèces est soit rejetée catégoriquement, soit interprétée dans un sens créationniste.

En islam : On sait qu’il n’y a pas de système central et unifié de la théologie. Alors on peut trouver des protestations véhémentes et parfois injurieuses contre l’évolutionnisme. Les contestataires ne font pas dans la nuance. Je cite, sans corriger l’orthographe :

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« Voici une catégorie d’hommes démons qui renient l’Existence d’Allah qui a créé l’homme et l’univers : LES FAUX-SCIENTIFIQUES sans cervelles digne des comptes des milles et un mythe mythomane. Des enseignants du mal de toute race, qui manipules les esprits des gens par la doctrine satanique DE L’EVOLUTION DARWINISTE : Idéologie qui imagine sans fin, que l’homme descend par hasard du singe lui-même par hasard et d’une cellule ce dernier apparu par hasard. Tout ceci imaginé pitoyablement dans des livres de propagande foiré et forcé d’apprendre dans les Ecoles, Universités, Fac, etc… ! » [3]

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Voilà que Satan s'en mêle ! Bien sûr, il n’y a rien à objecter à ce genre d’arguments.

Certains sites sont plus nuancés et nettement plus ouverts, allant jusqu’à trouver dans la pensée islamique ancienne des idées évolutionnistes : Un site comme oumma.com, en citant un astrophysicien algérien, Nidhal Guessoum,  professeur d’université, n’hésite pas à aborder le problème de la cohérence entre la science et la pensée islamique : «  …il reste que l’évolution elle-même n’est remise en cause par aucun spécialiste »

Dans le catholicisme : l’opposition à l’évolutionnisme a été forte jusqu’au pape Paul VI. Lequel, avec son autorité toute puissante, affirmait que les chrétiens ne sont pas « libres » d’adhérer à la thèse évolutionniste. Mais, Jean-Paul II reconnait que « la théorie de l’évolution (est) plus qu’une hypothèse »[4]

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La question principale qu’on ne peut éviter :

Si on admet l’évolution des espèces, comment en explique-t-on le processus ? Le néodarwinisme, s’appuyant sur la paléontologie, l’anatomie comparée des espèces actuelles, et les progrès de la connaissance génétique, fournit une explication qui éloigne singulièrement de toute explication métaphysique ou théologique.

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Notre prochain article exposera les grands principes du néodarwinisme, qui font la synthèse de plusieurs disciplines scientifiques.

 

Citations du texte

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[1] Russel, "Is there a God"(1952)

[2] Lamarck " Philosophie Zoologique - exposition des considérations relatives à l'histoire naturelle des animaux 1809.

[3] http://l-islam-pour-l-humanite-jusqu-a-la-fin-du-monde.over-blog.com/

[4]  Texte adressé à l’Académie des Sciences » le 22 octobre 1996

Le 20  octobre 2016

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