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3 - croyance et connaissance

Le besoin de comprendre

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Le besoin de comprendre se révèle très tôt chez l’enfant. « Pouquoi ? Pourquoi il pleut, pourquoi il y a des nuages. L’enfant est alors capable de « croire » dans les réponses que lui donnent les adultes, même si ces réponses sont fausses ou fantaisistes. L’enfant ne conteste pas la croyance dans le père Noël qu’on lui impose. Jusqu’au jour où il fait sa propre expérience en constatant que ce sont les parents qui jouent les Père Noël.

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.De tout temps, les hommes ont essayé de trouver des réponses sur l’origine et le sens des événements qui leur arrivaient. Ces réponses, nées peut-être dans l’imagination d’un individu, ont pris une importance collective, dans une société où chacun s’approprie une croyance et l’enrichit. Ce sont les mythes et les mythologies. On les trouve dans toutes les cultures. La mythologie grecque fabrique des dieux, des héros. Et la puissance romaine conquérante, déjà propriétaire de sa propre mythologie emprunte à la mythologie grecque. Zeus devient Jupiter, Hadès devient Pluton, Aphrodite devient Vénus, etc.

.Les mythes, les croyances, apportent à l’homme une sécurité, une réponse à son besoin de comprendre. Quand on ne connait pas, on invente une explication qui satisfait l’esprit. Et cette explication, si elle nait dans le cerveau d’un individu, est partagée, amplifiée, complétée par la collectivité.

"On peut refuser le type d'explication offert par les mythes ou la magie. Mais on ne peut leur dénier unité et cohérence car, sans la moindre hésitation, ils répondent à toute question et résolvent toute difficulté par un simple et unique argument a priori." [1]

La notion d’objectivité, particulièrement en histoire, est assez récente. Elle est née avec le développement de la science. Pour l’antiquité, histoire réelle et mythes se confondent. Croyance et connaissance font bon ménage.

Il ne s’agit pas ici de mépriser ou de ridiculiser la croyance. La croyance est un produit de l’imagination et elle a joué et joue encore un rôle capital dans l’équilibre psychologique et social des hommes. Cependant, la connaissance rationnelle grignote peu à peu la croyance, en apportant des réponses partielles aux grandes questions de l’humanité. Par exemple, dans nos sociétés occidentales, plus personne ne croit que l’orage est dû à quelque puissance divine. La croyance en l’existence d’Adam et Eve subit une sérieuse révision, même chez les théologiens catholiques. La puissance de la prière est oubliée dans des domaines où elle était invoquée. La cérémonie des Rogations, (que j’ai connue dans ma jeunesse) ayant pour but d’attirer la bienveillance divine sur lescultures est oubliée. La recherche en agriculture lui est préférée.

Distinction entre croyance et connaissance

décantation entre croyance et connaissance

Affirmer catégoriquement que les extraterrestres existent relève, aujourd’hui, de la croyance. L’existence d’extraterrestre est une hypothèse tout à fait vraisemblable, mais rien ne permet de l’affirmer catégoriquement. Si un jour on parvient à établir une relation certaine avec des extraterrestres, cette hypothèse deviendra une connaissance. L’astrologie est une croyance, pas une connaissance.

Pour la pensée occidentale, héritée en grande partie de la philosophie aristotélicienne, connaissance et croyance étaient deux domaines étroitement imbriqués. Connaître l’univers, c’est connaître aussi ce qu’enseigne la théologie sur le ciel, l’enfer, les anges, etc. Monde divin  et monde matériel cohabitent dans une hiérarchisation stricte et structurée. C’est pourquoi l’arrivée de la théorie copernicienne, reprise notamment par Galilée, provoque une faille insupportable dans cette compréhension de l’univers

Le philosophe Kant a particulièrement marqué la différence entre connaissance (wissen) et la croyance (glauben). La théologie que l’on croyait appartenir à la connaissance doit être remise à sa place, et séparée de la connaissance.

Oppositions entre croyance et connaissance

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C’est lorsque la connaissance scientifique vient contredire certaines affirmations de la mythologie que ça commence à chauffer. A chauffer – littéralement – puisque d’audacieux contradicteurs ont fini sur un bûcher. (Giodano Bruno). Avec notre regard contemporain, on aurait tendance à dire que les censeurs religieux qui ont condamné certains scientifiques étaient des salauds. C’était, dans le catholicisme, le rôle du Saint Office et de l’Inquisition, (elle commence avec le pape Grégoire IX en 1231) qui a pour mission d’éradiquer par la force les hérésies. Mais dans la philosophie et la théologie chrétiennes extrêmement structurées et plus ou moins cohérentes de la pensée religieuse, l’hérésie, quelle qu’elle soit, présente un risque de désagrégation non seulement de la pensée, mais de la société elle-même

L’affaire Galilée, que tout le monde connait, est particulièrement significative. L’intention de Galilée n’est pas d’abord de contredire le dogme. Ses découvertes et ses calculs, notamment grâce à une lunette de son invention, lui permettent de remettre au jour la théorie de Copernic : Ce n’est pas le soleil qui tourne autour de la terre, c’est la, terre qui tourne autour du soleil. Horreur ! C’est toute la cosmologie traditionnelle qui est bousillée. C’est la place de l’homme dans l’univers qui est remise en question. C’est cette savante – et imaginaire organisation hiérarchisée du monde, fruit de la création divine qui est contestée. Insupportable ! L’autorité incontestée et incontestable d’Aristote et de Ptolémée que L’Eglise a fait sienne, parce que correspondant à sa propre mythologie, est remise en question. « Et pourtant elle tourne » aurait chuchoté Galilée après sa condamnation et la prononciation de son abjuration.

Cette opposition naissante de la connaissance et de la science ne fait que commencer.

La connaissance scientifique n’est jamais dogmatique

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Une connaissance scientifique est toujours révisable. Mieux même, c’est la remise en cause d’une théorie précédente qui est facteur de progrès dans la connaissance. C’est ce que Bachelard a clairement exprimé dans ce qu’il a appelé « la philosophie du non ». Réaliser des expériences nouvelles pour proposer de nouvelles hypothèses, amenées à contredire les hypothèses précédentes. Sans entrer dans les détails scientifiques, on peut citer ici le cas de la notion d’ « éther », cette substance supposée imprégner la totalité de l’univers, et qui permettait d’expliquer la propagation de la lumière. Cette notion est abandonnée lorsqu’a été établie la nature à la fois corpusculaire et ondulatoire de la lumière.

Plus près de notre vie quotidienne, et dans des domaines moins pointus, on assiste en quelques années à des remises en cause fréquentes des théories portant sur la nocivité ou le bénéfice de certains aliments ou de certaines substances. En matière de pédagogie, il suffit d’avoir un peu vécu pour avoir observé des théories qui se contredisent d’une année à l’autre.

Aucune théorie, même la plus parfaitement établie dans la communauté scientifique, n'est à l'abri d'une éventuelle réfutation.

Il n’en va pas de même des croyances. La plupart des croyances se cristallisent en dogmes, surtout lorsqu’elles sont établies à l’intérieur d’une religion. Et, par définition, un dogme n’est pas révisable. Le dogme établit un blocage de la pensée. Si, actuellement la quasi-totalité de la pensée scientifique s’est dégagée des dogmes, l’inverse ne s’est pas produit pour les tenants du dogme, qui ont parfois du mal à concilier leurs croyances avec les avancées de la science. (Nous verrons plus tard ces questions en abordant l’évolutionnisme)

Le catholicisme a fourni de nombreux scientifiques.

 

L’inventeur du Big Bang, la théorie impliquant l’expansion de l’univers est due à l'Abbé Lemaître, chanoine catholique belge, astronome et physicien, Il faut souligner ici que l'Abbé Lemaître (1894-1966) fait partie de nombreux scientifiques catholiques, conformément à une tradition bien établie dans l'Eglise. Les universités sont une invention de l'Eglise et ont été un facteur dans la progression de la connaissance, même si, par la suite, la connaissance scientifique a dû se détacher d'une mère un peu trop possessive. Copernic (1473), dont la théorie héliocentrique a suscité un  rejet parfois meurtrier  était un ecclésiastique romain. J'ai une grande admiration pour l'Abbé Nollet (1770) fervent diffuseur de la pensée scientifique. Il a travaillé sur l'électricité, a pressenti l'aspect électrique de la foudre. Dans sa recherche, il écarte systématiquement les explications métaphysiques. Mendel (1822), inventeur de la génétique moderne, était un moine catholique.

Il faut remarquer que tous les scientifiques catholiques, sans renier leur foi, ont été capables de s'abstraire d'une pensée dogmatique, ce qui laisse penser que le catholicisme contient en germe l'idée de progrès et d'ouverture intellectuelle que n'ont pas d'autres religions.Mais, comme le papillon laisse derrière lui sa chrysalide, le scientifique catholique revient rarement sur les dogmes  de ses  origines.

Pour revenir à l'Abbé Lemaître, je citerai un commentaire sans équivoque qui met en relief son indépendance d'esprit : "Une telle théorie (le Big Bang) reste extérieure à toute question métaphysique ou religieuse. Elle laisse le matérialiste libre de nier tout Être transcendant. Pour le croyant, elle empêche toute tentative de familiarité avec Dieu... Elle est en consonance avec la parole d'Isaïe parlant du "Dieu caché" caché même au commencement de la création". Remarquable ! Le pape Pie XII a cru pouvoir utiliser la théorie du Bing Bang pour la rapprocher de l’idée de création énoncée dans la Genèse. Lemaître s’en défend et Pie XII doit corriger son interprétation créationniste. Un autre scientifique, d'abord rejeté, puis encensé par le Vatican, n'a pas eu la même indépendance d'esprit que l'Abbé Lemaître. Je veux parler du jésuite Teilhard de Chardin. (1881-1955)

Les prophètes

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Un prophète c’est d’abord celui qui parle au nom de Dieu.( A noter que dans les définitions trouvées sur les sites islamiques, le prophète est toujours mâle. Et dans la Bible, c’est pratiquement la même chose). La « parole de Dieu », c’est toujours la parole d’un  prophète, censée être la transcription de la parole divine, et que Dieu ne contredira jamais, quelles  que soient ses affirmations.

Comment devient-on prophète ?

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Certains personnages, partageant avec d’autres la croyance en un être supérieur, se sentent inspirés par des pensées qu’ils trouvent géniales et exceptionnelles. Ils doutent alors que de telles pensées puissent provenir de leur cerveau seul. Ils en viennent à estimer que c’est l’être supérieur dans lequel ils croient qui leur inspire ces pensées. Des rêves, des hallucinations provoquées par divers moyens (anorexie, troubles mentaux) viennent confirmer la foi en leur mission. Cet investissement divin leur confère alors un pouvoir sur les autres croyants. Dieu lui-même parle par sa bouche.

C’est une révélation.

Dans une société restreinte, le prophète aura peu de mal à se faire admettre. Sa parole répond aux questions de ses familiers. Elle rassure ou inquiète. Et il est sincère, la plupart du temps. Dans une société plus élargie, où les moyens de communication sont plus grands, la connaissance d’autres prophètes actuels ou anciens, rendra douteuse l’authenticité de la prophétie, car on s’apercevra que la même divinité tient un langage contradictoire selon la diversité des prophètes. Les prophètes de la Bible (ancien testament) tiennent des propos qui ne militent pas pour une constance de la pensée divine, ou plutôt de l’authenticité du prophétisme. On trouve dans la Bible, livre révélé par Dieu, des tendances meurtrières, de la cruauté, qui n’ont rien à envier au Coran. (exemple, Elie égorgeant les quatre cents prophètes de Baal) Dans la Bible, Dieu est un être jaloux, massacrant ceux qui ne lui sont pas fidèles. Mais la Bible a aussi des prophètes de miséricorde et d’Amour (Osée). Il semble bien alors que la « parole de Dieu » soit étroitement dépendante des circonstances historiques et de la culture de l’époque où elle a été prononcée. On peut constater dans la Bible une évolution vers un Dieu plus empathique. Le Dieu jaloux et guerrier devient peu à peu un Dieu Père, tel que Jésus l’a perçu. Pour l’islam, Mahomet est le dernier prophète. Après lui, il n’y en a plus. Tout ce qu’il a dit, dans les années 600, est valable jusqu’à présent et pour tous les temps. Ce qui ne va pas sans poser quelques problèmes de cohabitation entre le modèle d’une société archaïque et le modèle d’une société actuelle, notamment concernant la relation homme-femme, les interdits alimentaires, etc.

Dans la société actuelle, on trouve encore quelques prophètes, dont les impératifs entraînent parfois des catastrophes : Moon, le nouveau Messie,  Charles Taze Russell pour les témoins de Jéhova, Raêl pour les …raëliens, Ron Hubbard pour l’Eglise de Scientologie. Et nombre de prophètes autoproclamés à la petite semaine, naviguant dans le domaine sans limites de l’ésotérisme. Pour qui voudrait se rallier à quelque « prophète» contemporain il suffit de chercher un peu sur internet. On trouve sans difficultés des individus investis d’une mission divine, et qui présentent leur mission comme essentielle à l’humanité. La folie mystique est encore d’actualité. J’épargne ici au lecteur les citations décrivant les délires apocalyptiques de personnages au mental fragile. Vous avez besoin de vous investir dans quelque délire mystique? Tapez – au choix -dans Google : anges, démons, fées, lutins, extraterrestres, fantômes… Sans oublier les personnages connus de la mythologie chrétienne ou indienne. Devant cette profusion de « prophètes », le choix ne sera pas facile. Même les dieux de la mythologie grecque trouvent aujourd’hui leurs croyants. Si, si ! Par exemple, clicquez ICI

Au fond, il suffit d’avoir de la bonne volonté et une bonne dose de naïveté pour croire en n’importe quoi.

Quelle différence entre croyance et foi ?

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Pour le croyant de n’importe quelle religion, la distinction est capitale. Sa foi ne peut se confondre avec les croyances des autres religions. Mais ces deux notions sont relatives l’une à l’autre. La foi est une croyance que l’on a fait sienne. La croyance est la foi des autres que l’on ne partage pas.

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Dynamisme et freins de la croyance et de la foi

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La foi est dynamique lorsqu’elle permet d’anticiper un événement espéré. Elle est pour beaucoup le moteur d’un comportement d’actions caritatives auprès des plus pauvres ou d’une action politique dans un domaine auquel on croit (écologie). Mais elle peut être négative lorsqu’elle fait stagner la pensée et l’empêche de chercher autre chose.

"Un des effets pernicieux de la religion, c'est qu'elle nous enseigne que c'est une vertu que de se satisfaire de ne pas comprendre".[2]

Ou pire, lorsque, au nom de leur foi, certains commettent les crimes les plus horribles.

Imaginaire et réel (tri nécessaire)

Citations du texte

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[1]  François Jacob - 'Le jeu des possibles"  p 26

[2] Pour en finir avec Dieu - Richard Dawkins, p.162

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Le 13   octobre 2016

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