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11 - La belle vie (préliminaire)

                           

    Chaque être humain, et même chaque être vivant cherche à bien vivre. Et lorsqu’on atteint une certaine plénitude, on parle de « bonheur ». Un mot magique, impossible à définir, et qui recouvre peut-être beaucoup d’illusions. Après de nombreuses années d’existence, on repense aux moments heureux, aux périodes de souffrances, et on arrive à se faire une certaine idée du bonheur, celui qu’on a vécu, celui qui nous a manqué. On se fait une idée plus claire de ses propres responsabilités, mais aussi des responsabilités de ceux qu’on a côtoyés, pour notre bonheur ou pour notre malheur.

    On pourra, par la suite, dégager certaines idées sur le bonheur. Mais, dès lors, il semble clair qu’il n’y a pas de recettes toutes faites du bonheur.

    Avant de parler du bonheur proprement dit, il est important de se poser une question : La vie a-t-elle un sens ? Et, plus généralement, l’univers dans lequel nous vivons a-t-il une finalité ? Si oui, on ne peut pas séparer la recherche du bonheur d’une finalité qui serait inscrite dans l’univers.

   Dans toutes les cultures, on trouve l’idée d’une fin du monde, d’une eschatologie [1], sanctionnant plus ou moins le comportement des hommes pendant leur vie.

Un bref (trop bref) aperçu des idéologies messianiques

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    Pour ne pas trop nous égarer, examinons brièvement - et sans doute sommairement - la théologie catholique. Les théologiens, les philosophes, voire les politiques ont tenté de trouver un sens dans l’histoire du monde, puis dans l’Histoire tour court, commencée après la préhistoire. Et si l’on se risque à rentrer dans les considérations des théologiens catholiques, on est assailli par des affirmations gratuites, généralement basées sur quelques croyances issues des mythes de la pensée hébraïque. Et lorsque le catholicisme s’empare des mythes originels, il ne tarde pas à formuler des dogmes. On ne peut pas ici  s’appesantir sur une pensée dogmatique dont les éléments se superposent ou s’imbriquent pour fournir un ensemble touffu et plus ou moins cohérent. (J’ai été plus explicite dans mon livre « Pourquoi je ne suis plus catholique »).

    Qu’est-ce qu’un théologien ? Quelqu’un qui connait et qui répète ce que d’autres théologiens ont dit avant lui.

Et qu’est-ce qui garantit la véracité de ce que dit un théologien ? Pas Dieu lui-même, bien sûr, car un théologien est assuré que Dieu ne le contredira jamais. Ni d’ailleurs qu’il l’approuvera. Tout est basé sur l’ « autorité » reconnue du théologien. Saint Thomas d’Aquin (1224-1274) est reconnu – dans le magistère catholique – comme la plus grande autorité philosophique et théologique. Sa pensée, prodigieusement créative, s’inspire de la philosophie grecque d’Aristote, de la Bible (Ancien et Nouveau Testament), et d’une bonne dose d’imagination que rien ne limite. Ainsi, pour les ressuscités, il invente 6 purgatoires, reprend un paradis traditionnel. Il maintient l’idée d’un feu pour l’enfer. Au paradis, c’est une mystérieuse couronne ou auréole qui viendra récompenser les heureux élus (Traité des Fins Dernières)… Ne nous attardons pas.

    En bref, pour le christianisme,  la vie humaine, crée par Dieu, se dirige vers une fin, la Parousie, ou retour du Christ. Ce retour est précédé d'une catastrophe, ou Apocalypse. Les morts rescuscitent puis intervient le « jugement dernier », qui placera chaque individu dans une éternité différente selon ses mérites : le paradis pour les meilleurs, l’enfer et le feu pour les pires damnés. Et les animaux ? Il n’en est plus question, puisque seul l’homme a une âme immortelle. Quant au contenu supposé du paradis ou de l’enfer,  il génère quantité de questions et de réponses les plus fantaisistes ou les plus abstraites. Et quand on entre dans le domaine de l’imaginaire, il n’y a pas de limites. Les mythologies des fins dernières ont été une source d'inspiration pour plusieurs artistes et écrivains. Le plus célèbre est sans doute Dante.

La fin du monde (vision moderne)

La résurrection de la chair

Gustave Doré : l’Enfer de Dante

    L’eschatologie islamique s’est beaucoup inspiré de la Bible judaïque et de la théologie chrétienne. La aussi, beaucoup d’imagination à propos des « signes » qui annonceront la fin des temps. Si le paradis chrétien exclut – apparemment – les animaux, le paradis musulman semble surtout destiné aux hommes. On ne sait pas trop comment distinguer les femmes, d'origine terrestre, des houris, créatures, fabriquées pour la sexualité des mâles. Mais quel confort pour les heureux baiseurs.« Ils auront des épouses candides, purifiées des menstrues, qui ne feront pas de besoins et ne cracheront pas. » (Abu Saïd El Khoudri)

 La sexualité masculine prend une place importante dans ce paradis, si l’on en croit Al Suyuti, éminent « savant » égyptien né en 1445. « À chaque fois qu’un homme touche une houri, il la trouve vierge. Le pénis des élus ne faiblit jamais, l’érection est éternelle » (Le viagra n'est pas nécessaire au paradis). Un paradis qui est à l’image de la sexualité débridée du prophète (il a eu 15 femmes, la plus jeune n'avait que 6 ans). Plus 2 femmes esclaves. Un idéal bien particulier sur lequel nous n’insisterons pas.

Thérèse d’Avila en extase. Sculpture Le Bernin

Le paradis lubrique des mâles

    J'ai parcouru quelques sites islamiques pour avoir une idée des fantasmes paradisiaques du musulman actuel. Il semble bien que les femmes - les vraies - soient oubliées dans ce paradis, car les "houris" n'ont pas d'origine terrestre. Ce sont des sortes d'anges prostituées, très belles, au vagin éternellement remis à neuf, crées par Allah pour récompenser les mâles méritants.

    J'ai cependant trouvé une remarquable critique musulmane sur un site qui préfigure peut-être le renouveau de l'islam: http://oumma.com/. Je cite: "Pendant que d’aucuns, ivres de pouvoirs, « troussent des soubrettes » ici-bas, d’autres rêvent de déflorer à la chaîne de jeunes vierges en l’Au-delà ! Le Paradis devient ainsi un immense lupanar pour priapiques, une infinie orgie céleste entièrement dédiée au plaisir des sens ! Ceux qui attentaient la contemplation de la « Face de Dieu » sont priés de changer de lieu !..."

Les eschatologies non religieuses

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    La vision de l’histoire, selon Marx et Engels, a fait long feu. Plus personne ne croit que la lutte des classes amènera l’arrivée d’une société sans classe ou régneront l’égalité et le partage. Des tyrans comme Staline ou Mao ont complètement détruit l’utopie marxiste. Le marxisme de Fidel Castro (mort il y a quelques jours) a d'abord été utilisé comme un moyen pour combattre la tyrannie d’un dictateur, Batista, et la domination d’un impérialisme américain. Le marxisme lui a fourni une dynamique. Mais il n’a pas fait de Cuba un paradis, et a engendré des exécutions et de la torture.

 

    Que valent les promesses d’éternité ou de bonheur des théologiens et des idéologues de tous horizons ? Comme disait Charles Pasqua « les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent »

Le Goulag : des millions de morts

Comment trouver le bonheur ?

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    Si l'univers a une finalité, ainsi que l'énoncent les théologies diverses, les philosophies parentes d'Aristote, ou - parmi d'autres - la philosophie hégélienne,  le bonheur ne peut se trouver qu'en harmonie avec cette finalité, avec le dessein, le principe transcendant qui est celui d'un être supérieur, Dieu, ou qui est inscrit au cœur même de l'univers et qui lui est immanent. Et si l'univers n'a pas de finalité, alors il importe de se préoccuper d'abord du présent et du futur proche, soumis aux aléas d'un monde dont nous ne maîtrisons que partiellement les changements aléatoires.

    Les tsunamis, les avalanches, la chute des météorites, et plus généralement les catastrophes naturelles nous font poser une question : Obéissent-elles à une finalité ? Un moustique, un tout petit organisme vivant, est réapparu récemment, comme porteur d'un virus, le Zika. Ce virus provoque des maladies, dont la plus grave est peut-être la modification du développement du foetus, microencéphalite, anomalie du développement cérébral. Se poser la question d'une finalité du Zika n'a alors aucun sens, pas plus que pour toutes les catastrophes naturelles. Et pas non plus pour les catastrophes déclenchées par l'homme, guerres, massacres, attentats. Un malade mental se précipite avec un camion de 19 tonnes sur une foule dense, à Nice, le soir du 14 juillet 2016, provoquant 84 morts et plus de 200 blessés. Daesh fait de la récupération et en revendique la paternité. Quelle est la finalité de ce crime pour le terroriste et pour le groupe islamiste ? Aucun, sinon la satisfaction morbide de tuer des innocents et des enfants. Cette satisfaction est le seul sens dont ils sont porteurs. Ces crimes sont aussi absurdes que des catastrophes naturelles. Ils sont la preuve du non-sens inscrit dans les fondements mêmes de l'univers. Le massacre des 84 victimes de Nice n'a pas plus de sens et de finalité que la disparition des espèces vivantes provoquées par l'inadaptation au milieu, ou par des événements fortuits.

    Tous les attentats islamistes sont à mettre dans le même panier. Ils relèvent de la maladie mentale, que les responsables djihadistes  recouvrent d'un vernis religieux. Les islamistes sont les alliés objectifs de l'athéisme.

   Les quelques connaissances que nous avons maintenant de l'univers, aussi bien l'univers cosmologique que celui du vivant, remettent complètement en cause l'idée d'une finalité. Jusqu’aux temps modernes, l’univers était relativement simple. La révolution copernicienne, en délogeant la terre d’une place privilégiée dans l’univers, bouleverse les croyances, réduit l’ambition hégémonique et dominatrice des humains. Et ce n’est qu’un commencement. Les astronomes découvrent de plus en plus de planètes, de systèmes solaires, dans lesquels notre propre système apparaît comme perdu. Nous sommes comme une toute petite particule, agitée de mouvements aléatoires, et perdue dans un ensemble brownien.[2]  On s’aperçoit que l’admirable régularité des mouvements des astres et des planètes qui étaient un argument pour démontrer que l’univers obéit à un ordre immuable, cette régularité est tout-à-fait illusoire et temporaire.

    Il est impossible de calculer précisément la position des planètes au-delà de 60 millions d'années, déclare Jacques Laskar, astronome à l'observatoire de Paris. En bref, dans la cosmologie ancienne, les planètes semblent animées d'un mouvement immuable et éternel, à l'image même de Dieu. En réalité, cette stabilité n'est perçue que sur un temps très court (quelques centaines d'années), ce qui à l'échelle de l'humanité permet d'avoir l'illusion d'une stabilité que peuvent décrire les mathématiques. Or, on sait au moins, que l'ensemble de l'univers est en expansion, depuis la phase chaude et dense du Bing Bang, il y a 14 milliards d'années. Pour s'en tenir au système solaire, on sait maintenant, depuis une vingtaine d'années, que le système solaire est chaotique. Il devient illusoire de prédire le mouvement des planètes au delà de 100 millions d'années.

    Les paléontologues découvrent de plus en plus d'espèces vivantes du passé qui ont totalement disparu. L'espèce humaine actuelle est le résultat d'une sélection due au hasard. Notre espèce aurait très bien pu disparaître, soit par l'action de prédateurs, soit par quelques catastrophes naturelles, chutes de météorites, volcans, les deux facteurs principaux des extinctions massives du vivant. La disparition de l'espèce humaine n'est peut-être qu'une question de délai.

    Ce qui est arrivé brutalement à la population de Pompéi avec le réveil du Vésuve,  n'est que l'illustration partielle et le rappel de catastrophes plus massives survenues sur la vie de notre planète. Les dinosaures ont dominé le vivant entre -240 millions et - 65 millions d'années soit pendant environ 175 millions d'années. Les hommes, homo sapiens,  dominent le vivant depuis environ  200 mille ans seulement. (Les dinosaures ont vécu 1000 fois plus longtemps que l'espèce humaine actuelle). L'espèce humaine pourrait bien n'être qu'une étincelle dans l'histoire de la vie, car de nombreux facteurs permettent de le supposer. Les hommes pourraient bien être à l'origine de leur propre destruction et parallèlement à l'origine d'une extinction massive de la vie. Ce que l'on sait des grandes extinctions massives nous indique que la vie est toujours parvenue à renaître à partir de systèmes plus élémentaires. Alors, après une nouvelle extinction massive due à la pollution, à une guerre atomique ou à toute autre catastrophe d'origine extraterrestre, tout recommencerait, sans la présence d'une conscience humaine pour en faire l'histoire. La conscience humaine est à la fine pointe de cette évolution de la vie qui a commencé il y a 4 milliards d'années. Elle n'a aucune garantie de survie.

Moulage d’un citoyen de Pompéi

attendant la mort!

    Ces visions eschatologiques, certes, ne nous inspirent pas la joie, et nous éloignent de notre projet de traiter de la « Belle Vie ». Notre prochain article devrait nous porter vers plus d’optimisme.

Définitions :

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[1] Eschatologie : 

           Ensemble de doctrines et de croyances portant sur le sort ultime de l'homme après sa mort (eschatologie individuelle) et sur celui de l'univers après sa disparition (eschatologie universelle). (Larousse)

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[2] brownien : 

          Mouvement brownien, mouvement désordonné qu'effectuent des particules de dimensions inférieures à quelques micromètres en suspension dans un liquide ou un gaz. (Larousse)

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Le 8   décembre 2016

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