Eglise et fascisme
extraits de mon livre:" Pourquoi je ne suis plus catholique"
C’est une question épineuse sur laquelle tous les historiens ne sont pas d’accord. Aussi nous contenterons-nous d’effleurer ce sujet. Il y a cependant des faits d’histoire troublants. Notamment sur les relations de Pie XI et de Mussolini. Et puisque nous parlons de l’Opus Dei contentons-nous d’aborder la question espagnole.
Pendant la guerre d’Espagne, le soutien officiel de l’Église espagnole et du Vatican à la dictature franquiste est évident : Pie XI, en juillet 1936, salue "la contre-révolution" et bénit "les croisés du Christ et de l'Espagne". Le cardinal Isidro Gomá rédigea, en 1937, la lettre épiscopale de soutien au coup d'état militaire et fut l'inventeur de l'expression "croisade chrétienne" pour qualifier l'épopée franquiste. À la mort du cardinal, Franco signe un décret disposant que le cardinal Isidro Gomá serait enterré avec "tous les honneurs d'État en raison des inestimables services rendus à la patrie". Il faut cependant ajouter à la décharge de Pie XI qu’il aurait demandé la clémence de Franco pour ses victimes, ainsi qu’une trêve de Noël. Requête qui aurait été refusée par Franco.
Après la victoire de Franco, le pape Pie XII déclare, le 16 avril 1939, que l'Espagne franquiste est la « patrie élue de Dieu ». Pour célébrer cette victoire, est organisée une cérémonie religieuse solennelle avec le caudillo pour héros. À Rome une cérémonie religieuse salue aussi cette victoire.
En 1957, des membres de l'Opus Dei entrent au gouvernement espagnol et le 25e anniversaire de la prise du pouvoir confirme le dictateur dans son rôle de « défenseur de l'Église et chevalier du Christ ».
L’Église a-t-elle expurgé ses sympathies fascistes ?
Il y a peu, alors que le gouvernement espagnol s’apprête à faire voter une loi de réhabilitation des victimes du franquisme et de la guerre civile, Benoît XVI béatifie, le 28 octobre 2007, 498 « martyrs », tous victimes de la « persécution » républicaine durant la guerre civile espagnole. Ces béatifications apparaissent comme une réponse à ce projet de loi. Cette loi, approuvée par le parlement, tout en mentionnant les personnes persécutées pour leurs convictions religieuses, condamne l’ancienne dictature. Elle contraint d’ailleurs l’Église à se débarrasser de tout monument qui dans ses lieux de culte célébrerait l’ancien dictateur, et il en existe encore. Un amendement à cette loi permet cependant à l’Église de conserver certains symboles franquistes.
L'Église espagnole a démenti tout rapport entre les deux événements. La béatification des « martyrs » dont le procès s'est ouvert en 1987 « n'a rien à voir avec un quelconque agenda politique ».
On évalue à environ 7000 le nombre de religieux et religieuses tués par les républicains. Mais c’est environ 50 000 victimes qu’ont faites les nationalistes parmi les républicains après la victoire de Franco. Et des dizaines de milliers d’autres furent incarcérées. Parmi eux des prêtres qui s’opposaient au fascisme. L’Église d’Espagne avait été un des piliers de la dictature franquiste. En s’identifiant avec les tortionnaires, l’Église a malheureusement attiré sur ses représentants une répression, certes insupportable, mais explicable. Elle porte donc une double responsabilité.
L’Opus Dei de nos jours n’a pas changé. Elle représente la déviation la plus mauvaise du christianisme, une mentalité totalitaire de « chrétienté », imprégnée de l’odeur du franquisme et de celle des charniers de Pinochet. Il semble cependant que ses chances de réussir soient à peu près nulles. On ne refait pas l’histoire, même une histoire de chrétienté. L’évolution actuelle de l’Espagne, dont il a essayé de noyauter le pouvoir, est tout à fait significative.[1]
L’Église et la « théologie de la libération ».
Ce mouvement, né particulièrement au Brésil, face à la misère et à l’esclavage de toute une population par le capitalisme des gros propriétaires, prônait la nécessité de s’engager dans la politique et de prendre parfois les armes dans des situations où c’était la seule solution. Il fut théorisé à partir de 1972 par Gustavo Gutiérrez. Deux frères, théologiens de leur état, Clovis et Leobardo Boff ont également théorisé cette théologie. Jusqu’à ce que l’intervention de la hiérarchie ecclésiastique crée la rupture tout à fait significative des deux frères, désormais opposés entre eux.
La Congrégation pour la doctrine de la foi, sous la plume de Ratzinger, se prononce ouvertement contre la théologie de la Libération[2]
« Afin de répondre au défi mis en évidence par l’oppression et la faim, le Magistère de l'Église a fréquemment exprimé son désir de réveiller les consciences chrétiennes à un sens de la justice, de la responsabilité sociale, et de la solidarité avec les pauvres et opprimée, et d'accentuer l'urgence actuelle de la doctrine et des impératifs contenus dans la révélation…
L'humanité véritable exige que cette bataille soit menée en conformité avec la dignité humaine. C'est pourquoi le recours systématique et délibéré à la violence, quelle que soit son origine, doit être condamné. Mettre sa confiance dans des moyens violents dans l'espoir de restaurer plus de justice, c’est devenir victime d’une illusion fatale: la violence engendre la violence et dégrade l'homme. Elle fausse la dignité de l'homme dans la personne des victimes et elle rabaisse la même dignité chez ceux qui la pratiquent ».
Que dire alors de l’armée pontificale crée en 1506 – petite armée il est vrai – mais qui n’a pas toujours été une armée d’opérette, car elle a participé à de nombreux combats. Notamment pour défendre le pape Clément VII contre les lansquenets au service de l’empereur germanique Charles V. 147 soldats suisses y ont laissé leur vie. (Mazarin autrefois était capitaine dans l’armée pontificale…)
Entre 1860 et 1870 est constituée une armée de zouaves pontificaux, armée dont le but est de défendre les états pontificaux. En 1857, Mgr de Mérode était ministre des armées pontificales. Et c’est son cousin le général Juchault de la Moricière qui prend la tête de l’armée papale. En 1864, Mgr de Mérode recrute une armée de 15 000 zouaves pontificaux pour s’opposer aux italiens. Pour la petite histoire : Mon arrière paternel avait fait partie de la milice pontificale et y est resté jusqu’à la retraite. Nous avions au grenier un document signé de Léon XIII et une baïonnette lui ayant appartenu.
Utiliser des mercenaires armés pour défendre l’état du Vatican constituerait de la légitime défense. S’armer contre ceux qui réduisent des pauvres en esclavage et les tuent ne relèverait pas de la légitime défense, mais d’une théologie imprégnée de communisme.
Miséreux, exploités de la terre, laissez-vous opprimer et tendez la joue à vos oppresseurs, car votre cause n’est pas défendable par les armes. Et puis la théologie, la seule vraie, vous assure du paradis dans l’autre monde. Alors de quoi vous plaignez-vous ?
Dans la pratique, et face à la puissance des oppresseurs, cette attitude de la hiérarchie laissait la situation des opprimés en l’état. Une véritable démolition des œuvres inspirées par la théologie de la libération a été systématiquement menée. L’archevêque de Recife, Don Helder Camara a été remplacé par un évêque proche de l’opus Dei, Mgr José Cardoso Sobrinho (celui-là même qui en mars 2009 excommunie la mère d’une enfant violée).
L’œuvre de Don Helder Camara, en particulier, a été systématiquement détruite, ses maisons ouvertes aux pauvres fermées, son séminaire fermé parce que suspect d’être communiste. Il reconnaissait lui-même qu’il suffisait de défendre les pauvres pour être traité de communiste. Plusieurs prélats ont été remplacés par des prélats plus conformes.
L’expression « théologie de la libération » est assez impropre. On n’a pas besoin de motivations idéologiques ou religieuses pour se libérer des oppresseurs. Le simple fait de la misère et de la souffrance subies est un argument suffisant pour prendre les moyens les plus adaptés contre l’oppresseur. Il se trouve que dans bien des cas l’oppresseur ne demande pas mieux que ceux qu’il opprime tendent la joue. Ca simplifie son travail.
Cependant, ce sont souvent des chrétiens qui les premiers se sont révoltés contre l’injustice, parce que l’attention aux faibles et aux miséreux fait partie de l’idéal chrétien. Il y a heureusement sur place au Brésil des hommes (prêtres ou non) qui honorent le nom de chrétien et qui font plus pour les pauvres que les discours (bien trop long ! Ca décourage de les lire et de les écouter) et les cérémonies enrubannées et mitrées de la hiérarchie.