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Art, musique, et imaginaire

Après la publication des 20 articles portant sur mon livre, « La Porte de Nulle Part », j’ai reçu d’un correspondant ami un petit livre difficile à définir. A la fois poétique, énigmatique et philosophique. Et j’ai alors pris conscience que, au cours de ces publications,

j’avais négligé une part importante de notre existence : l’imaginaire artistique.

Imaginaire et  croyance

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L’un des axes de mon livre « La Porte de Nulle part » tourne autour de la distinction entre croyance et connaissance. Et l’on  pourrait penser que toute croyance doit être supprimée au bénéfice de la connaissance. Ce qui semblerait entraîner une condamnation de l’imaginaire, qui lui, est à la racine de la croyance. Il n’en est rien. Ajoutons encore que l’imaginaire et aussi à la source de la connaissance, puisque c’est lui qui avance la construction d’hypothèses qui seront reconnues ou non. Mais il n’y a vraiment connaissance que lorsque l’imaginaire se confronte à l’expérience. Toute connaissance s’établit par la validation ou non d’une construction imaginaire

La croyance, produit de l’imaginaire, a suscité une création artistique riche et qui comble l’esprit. L’art, la poésie, la musique sont des éléments indispensables de la culture. Je pense là à cette explosion artistique de la Renaissance, qui a produit des Michel-Ange, des Botticelli, des Vivaldi, des Léonard de Vinci. Tous ont trouvé dans l’imaginaire de la religion une source abondante de leur inspiration. Au moyen-âge, déjà, l’art religieux a développé une riche iconographie, des sculptures, dont l’objet était d’enseigner le contenu de la foi. Les cathédrales étaient le moyen grandiose et artistique d’exprimer la foi chrétienne.

L’art et le divin.

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Alors, une question se pose : Peut-on nourrir notre imagination de ces œuvres, ressentir une émotion artistique, sans se laisser conduire vers la foi dont elles seraient le but?  Le thème même de la Renaissance nous fournit une partie de la réponse. La Renaissance se voulait être une reprise de l’art antique. La foi chrétienne exprimée par les artistes de la Renaissance est elle-même imprégnée du paganisme qui à inspiré les artistes de l’antiquité. Les grands sculpteurs grecs célébraient les dieux et les héros de leur mythologie. En s’inspirant des œuvres antiques, et même, parfois, en reprenant intégralement un thème mythologique (Boticelli, Vénus et les trois grâces), la foi exprimée par l’œuvre n’était plus qu’une occasion. On peut admirer et aimer ces œuvres sans pour autant adhérer aux croyances qui l’inspirent

Artisans de l’art.

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L’une des expériences artistiques la plus prégnante que j’ai ressentie a été la rencontre des peintres haïtiens, dans une exposition au Grand Palais, à Paris. En portant toute son attention sur quelques scènes de la vie décrites par l’un ou l’autre de ces prodigieux artistes, on s’abstrait volontiers de la salle d’exposition, de la réalité qui nous entoure, pour pénétrer dans un monde imaginaire à la fois simple et sublimé. Les allusions aux croyances du vaudou sont multiples. Ce culte imprègne l’imagination tout entière de l’artiste, et son œuvre nous en restitue le contenu. Bien que – évidemment – ne partageant pas les croyances vaudou, je me suis moi-même senti envoûté par cet imaginaire puissant. (Les photos rapportées ici ne sont que de pâles illustrations des œuvres peintes)

J’ai ressenti une émotion analogue lors de la visite d’une exposition sur le peintre Le Nain. Et pourtant, le thème ne se relie à aucune croyance. Un grand tableau, réalisé vers 1642, dépeint de façon réaliste et lumineuse une famille paysanne pauvre. Du souvenir que j’en ai, je pensais avoir vu des personnages en grandeur réelle, qu’il me semblait presque avoir rencontrés. Vérification faite, le tableau ne mesure que 1,13 mètre de haut. Ce chef-d’œuvre avait donc accroché mon imagination au point de l’accaparer et de l’imprégner des personnages du tableau. Les personnages regardent le spectateur du tableau et l’invitent à partager leur sort, presque à rentrer dans le tableau.

La nature, productrice d’art

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La nature qui nous entoure est productrice de beauté, de structures et de couleurs harmonieuses qui comblent l’esprit. Attarder son regard sur une fleur de montagne, sur son organisation et ses teintes délicates nous procure une sensation tout-à-fait analogue à la contemplation d’un tableau de maître. Quand on atteint le sommet d’une montagne, le spectacle du vaste paysage nous pénètre d’autant mieux que l’esprit et le corps se détendent après l’effort fourni. C’est une sorte de communion qui s’établit entre cette vaste nature et le minuscule vivant que nous sommes.

Pour celui qui a la foi, l’idée du Dieu créateur s’installe dans son esprit et peut le conduire a une action de grâce. Il faut  alors oublier que cette même nature peut être cruelle, criminelle. C’est la nature des tsunamis, des avalanches, des glissements de terrain, des tempêtes. Une nature qui, si elle est productrice de beauté, n’a pas de pitié pour détruire, massacrer, vandaliser. Car la nature est aveugle. Expressive de beauté, elle n’est pas conscience de beauté. Cette conscience n’existe que chez l’homme qui la contemple. La nature n’est divine que parce que l’homme la rend divine. Il y a dans l’art une forme de mysticisme qui ne conduit pas nécessairement à la croyance en un Dieu objectif.

Malraux – qui était athée – disait :

« Le seul domaine où le divin soit visible est l'art, quelque nom qu'on lui donne. »

Fin de la série "La porte de Nulle Part

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